Le DNS que vous avez demandé n’est plus disponible
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Une décision de justice demande à Cisco, Google et CloudFlare de bloquer l‘accès à plus d’une centaine de sites. Canal+ en est à l’origine, dans sa guerre contre le piratage sportif.
« En raison d’une décision de justice en France »
Certains pourraient y voir une manière d’écraser une mouche avec un bazooka, d’autres une manière de répondre aux « aux exigences des ayant-tous-les-droits ». La raison officielle est donnée par OpenDNS dans un billet de blog :
« À compter du 28 juin 2024, en raison d’une décision de justice en France rendue en vertu de l’article L.333-10 du code du sport français et d’une décision de justice au Portugal rendue en vertu de l’article 210-G(3) du code portugais du droit d’auteur, le service OpenDNS n’est actuellement pas disponible pour les utilisateurs en France et dans certains territoires français et au Portugal. Nous nous excusons pour la gêne occasionnée ».
Canal+ obtient le blocage DNS d’une centaine de sites
La décision de justice dont il est question a été publiée par nos confrères de l’Informé. Elle demande à Google, Cisco (propriétaire d’OpenDNS) et CloudFlare de bloquer l’accès à une centaine de sites, via leur résolveur DNS. Concrètement, les internautes utilisant le DNS d’un des trois services ne fait plus le lien entre le nom de domaine et l’adresse IP du serveur.
Il s’agit pour Canal+ de protéger ses droits et de rendre inaccessibles des sites diffusant des matchs des Champions League, de Premier League en football et du Top 14. « Après avoir obtenu le blocage par les fournisseurs d’accès et le déréférencement par Google de plusieurs sites illicites, Canal+ a décidé en octobre 2023 de passer à la vitesse supérieure en assignant cette fois Google, Cloudflare et Cisco », expliquent nos confrères.
Dans la décision du tribunal, publiée par nos confrères, il est indiqué : « La proportionnalité des blocages demandés est contestée par les défenderesses. Les sociétés Google, Cisco et Cloudflare prétendent que ces mesures seraient inutilement complexes et coûteuses dans la mesure où il existe de nombreux moyens autres de bloquer tout accès aux sites litigieux. De plus, les atteintes en cause ne seraient pas irrémédiables puisqu’il suffirait d’utiliser un VPN ou un autre service DNS alternatif pour contourner le blocage ». Ces arguments et les autres ont été rejetés par le tribunal.
OpenDNS renvoie un message « REFUSED »
Si on tente d’interroger le résolveur DNS en France ou au Portugal, on a désormais un beau message « REFUSED », avec un rappel du texte de loi en question. Comme le précise Stéphane Bortzmeyer, spécialiste du DNS, « ce n’est pas spécifique au nom de domaine demandé, tous donnent le même résultat. En outre, on peut vérifier, par exemple avec les sondes RIPE Atlas, que c’est pareil depuis quasiment tous les FAI français ».
CloudFlare aussi s’est exécuté avec désormais un message « Error HTTP 451 […] Unavailable For Legal Reasons ». Chez Google, le message d’erreur est plus succinct : « Hum, nous ne parvenons pas à trouver ce site ».
Des résolveurs DNS en pagaille
Stéphane Bortzmeyer est bien remonté contre cette décision de justice : « Les défenseurs de l’appropriation intellectuelle affirment souvent qu’elle sert à « protéger les créateurs » mais, comme on le voit ici, elle sert surtout à enrichir les clubs de football. Les personnes qui utilisaient OpenDNS le faisaient sans doute pour contourner une censure qui bénéficie surtout aux ayant-droits », ou encore parce que leurs objets connectés reposaient sur OpenDNS, ce qui n’est pas sans conséquence.
L'Internet des Objets, c'est quand on ne peut plus allumer la lumière car le contrôleur a les résolveurs #DNS d'#OpenDNS en dur et qu'on ne peut pas les changer : https://t.co/UqoWAih5oQ
— Stéphane Bortzmeyer (@bortzmeyer) June 28, 2024
Le spécialiste des infrastructures d’Internet et des DNS en profite pour rappeler que, en Europe, il y a d’autres résolveurs DNS : dns.sb, DNS4ALL, celui de FDN et même le sien personnel. Nous pouvons aussi ajouter Quad9. Il ajoute : « Si on utilise un résolveur public (ce qui n’est pas forcément une bonne idée), le choix est vaste et les alternatives nombreuses (aucune raison de tous aller sur le résolveur d’une grosse entreprise capitaliste états-unienne). Mais il n’est pas évident de choisir ».