Retour vers le futur
![Dix ans après le Gamergate, où en est-on ?](http://next.ink/wp-content/uploads/2024/08/Gamergate.webp)
À l’été 2014, une campagne de harcèlement d’une rare violence s’abat sur des développeuses et activistes féministes du monde du jeu vidéo. Loin de se cantonner à cet univers, le Gamergate peut être observé comme un tournant vers la diversification de l’industrie autant que vers la brutalisation des échanges en ligne.
Il y a dix ans, aux États-Unis, le Gamergate agitait la toile. L’épisode a pris son nom d’un hashtag, #GamerGate, qui a circulé en signe de ralliement sur des forums Reddit et 4Chan avant de se déverser sur des réseaux plus grand public, YouTube, Twitter. À l’origine de l’énervement, des frustrations croissantes dans le monde du jeu vidéo et une campagne sexiste.
Les premières victimes du Gamergate ont été ses cibles principales : la développeuse Zoë Quinn, et ses soutiens, en tête desquelles sa collègue Brianna Wu et la vidéaste féministe Anita Sarkeesian. Mais l’épisode ne se résume pas à une cabale occupant des internautes et gamers désœuvrés, à la fin d’un été. « C’a été un phénomène violent, révélateur d’une époque et d’une réaction à une évolution de la société qui ne convenait pas à cette frange » d’internautes, estime Fanny Lignon, maîtresse de conférence à l’Université Lyon 1, interrogée par Next.
Il plonge ses racines dans un moment précis de lutte autour des questions de représentations dans le jeu vidéo et l’industrie qui les produit. Par sa localisation sur une série de plateformes sociales dont certaines très largement utilisées, il permet aussi d’éclairer l’évolution de certaines de nos pratiques d’échanges en ligne. « Les tactiques de dogpiling [harcèlement de meute, ndlr] qu’on a vues à l’œuvre » en 2014 sont « encore utilisées pour écraser les joueurs », relève ainsi la maîtresse de conférence à l’Université de Rouen et spécialiste des discours numériques Laura Goudet.
En dix ans, pourtant, l’univers du jeu vidéo a évolué. Celui de nos discours, de nos interactions en ligne a aussi muté. Quel héritage, dans ce cas, nous ont laissé le #Gamergate et ses critiques ?
Des appels de longue date à l’inclusion
Quand le Gamergate explose, les débats sur l’inclusion agitent déjà la communauté du jeu vidéo depuis plusieurs années. En 2009, la vidéaste Anita Sarkeesian poste sa première vidéo sur la chaîne YouTube Feminist Frequency, qui accueillera bientôt la série Tropes vs Women in Video Games (Les clichés vs les femmes dans les jeux vidéo, ndlr). En France, la discussion s’ouvre aussi, notamment grâce aux publications de Mar_Lard, à partir de 2012, sur le sexisme du monde du jeu vidéo comme celui du journalisme spécialisé qui le couvre. Dans les deux cas, les réponses sont clivées : soulagées, de la part d’une partie du public, violentes de l’autre.